Login

Comprendre son repreneur : mode d’emploi

Vous êtes en pleine transmission de votre ferme : comment ça se passe avec le(s) repreneur(s) ? Dites-nous en commentaires !

Dans une cession d’exploitation à un tiers comme familiale, c’est effectivement essentiel pour que la relation entre le cédant et son successeur, puis la transmission derrière, se passent le mieux possible. Quelques conseils pour vous aider, que vous soyez en train de céder votre ferme ou que vous passiez la main dans quelques années.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Pourquoi est-ce important ?

Comprendre son repreneur permet de mieux appréhender et admettre les divergences de points de vue, car il y en a forcément, de limiter les problèmes de communication, les incompréhensions, et les tensions derrière, ainsi que les pertes de temps et d’énergie qui en découlent.

Bien vivre la transmission de sa ferme.

« Ainsi, le cédant peut plus facilement lâcher prise et bien vivre la cession de sa ferme. Surtout, il aura plus de chance de la réussir et de favoriser une installation agricole sereine par la suite », mettent en avant Julie Potier, de la chambre d’agriculture de la Somme, et Pauline Ducrocq de celle du Nord-Pas-de-Calais. Le risque sinon est de voir la transmission-reprise d’exploitation capoter au dernier moment.

(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

Les préalables essentiels

Avant toute chose, il importe de discuter avec votre entourage (famille, associés) de votre projet de transmission-reprise. Cette dernière sera-t-elle familiale ou non ? Dans le second cas, il faudra vous demander : quel est le repreneur « de mes rêves » ? Autrement dit : quel profil vous recherchez.

Quel successeur je recherche ?

Échanger au sein du collectif de travail, et même de la sphère familiale (avec le/la conjoint(e), tous les enfants et pas seulement ceux qui pourraient reprendre, voire les beaux-enfants), ne va pas de soi. En particulier sur ce sujet, souvent encore tabou où se mêlent différents sentiments.

Les conseillères de la chambre d’agriculture recommandent d’organiser une réunion formelle avec les personnes concernées, et de ne pas en parler entre deux portes, puis d’y « exprimer clairement » vos objectifs, vos besoins, la manière dont vous comptez procéder et les échéances que vous envisagez. Même si cela risque de soulever de vives émotions, de faire ressortir des non-dits ou conflits enfouis. Vos proches ne pourront que mieux se projeter.

Qu’est-ce qui est essentiel pour moi ?

À l’inverse, vous devez laisser « chacun s’exprimer » et « être à l’écoute de toutes les envies » et avis. L’important est aussi de respecter les principes « d’équité et de transparence », et de ne pas privilégier vos fils ou filles qui vont vous succéder. Il faut, en outre, donner « une suite » à cette réunion : temps de réflexion, démarches à effectuer, délais fixés… Et informer, même les enfants qui ne reprennent pas le flambeau, sur l’avancée du processus.

En parler avec son entourage. Comment aborder ce sujet ?
(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

Quant au type de successeur, pour y voir plus clair, interrogez-vous sur ce qui est essentiel pour vous, rédhibitoire ou accessoire : céder au meilleur prix ou assurer rentabilité et viabilité au (x) repreneur(s), avoir l’aval des proches, transmettre à une seule ou plusieurs personnes, que celles-ci aient une formation et de l’expérience en agriculture, que leur projet soit presque finalisé ou qu’elles ne l’aient pas encore démarré, qu’elles continuent l’exploitation à l’identique ou la fassent évoluer…

(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

« Les choses ne sont en général pas si tranchées. Il faut essayer de savoir où l’on se situe entre chaque extrême », précisent les deux spécialistes qui invitent à « se poser les bonnes questions, et à être transparent avec les candidats à la reprise et avec soi-même ». Vous pourrez « affiner » ainsi vos critères de sélection et éviterez de vous « user » dans des recherches inutiles. Julie Potier et Pauline Ducrocq rappellent une évidence à avoir en tête : « Vous comprendrez plus facilement un repreneur qui correspond à vos attentes. »

Du rêve à la réalité…

Combien de fois Julie Potier et Pauline Ducrocq ont entendu de tels propos de la part des cédants.

(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

Or elles insistent : beaucoup de porteurs de projet suivent tout un parcours d’accompagnement à l’installation en agriculture, qui permet de construire quelque chose de mûrement réfléchi et de tout sécuriser, sur les plans technique, économique, financier, de la charge de travail, etc., avec des experts de chacun de ces domaines, des formations (plan de professionnalisation personnalisé) et une étude prévisionnelle (plan d’entreprise). Cédants et repreneurs sont aussi accompagnés pour mieux se comprendre.

Par ailleurs, il faut avoir conscience des différences générationnelles.

(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

On comprend alors les malentendus et désaccords qui peuvent émerger entre les cédants et leurs successeurs, qui ont peu de valeurs communes, car séparés par plusieurs décennies, alors qu’il peut y en avoir d’une génération à l’autre. La principale pierre d’achoppement porte sur le temps de travail sur la ferme et le souhait de pouvoir prendre des week-ends, des congés et d’avoir des activités en dehors. L’un des verbatims d’agriculteurs cités plus haut en est l’illustration parfaite.

« Il peut y avoir des valeurs communes personnelles – attrait pour une production, une technique, etc. – auxquelles il faut s’attacher davantage qu’aux différences », font remarquer les conseillères. Pour apaiser les différends, elles livrent quelques éléments de communication non-violente : « bien observer les faits et identifier ses ressentis, savoir exprimer ses besoins et formuler ses demandes. »

Apprendre à faire confiance

Pour être davantage confiant vis-à-vis de son repreneur, par rapport à ses motivations, son implication, ses capacités, ses savoir-faire et savoir-être, il convient de l’impliquer dans le processus de transmission-reprise. L’idéal étant de proposer une période de tuilage, pour apprendre à se connaître, nouer une relation de confiance justement, faire découvrir la structure, transmettre ses compétences et ses pratiques, avec une écoute et des échanges mutuels…

Tuilage et droit à l’erreur.

Lui aussi doit être dans une posture d’écoute même s’il ne suivra pas toutes vos recommandations. « Il les appliquera peut-être plus tard. Vous devez lui laisser le temps de prendre ses marques et le droit à l’erreur. Sachant qu’il a également des choses à vous apprendre. » D’ailleurs, au lieu de vous énerver, expliquer les conséquences de l’erreur pour vous et pour l’exploitation, c’est beaucoup plus formateur !

Impliquer son repreneur dans la transmission.

« La confiance est, en effet, l’une des clés de réussite, de même que la phase de tuilage et de transfert des connaissances, qui doit être d’une durée suffisante et contractualisée (stage, CDD, période test, aide familial, à temps plein ou non) », appuie la chambre d’agriculture. Avant d’ajouter : « La posture adoptée et la communication sont déterminantes. De même l’adéquation de profils et de valeurs entre cédant et repreneur. »

(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

Plusieurs étapes

Comprendre son repreneur passe par plusieurs étapes, plus ou moins longues et indispensables. En sauter une pourrait mettre en péril la cession d’exploitation. D’abord, la découverte : le candidat observe, il se conforme à ce que souhaite le cédant. « En général, au début, tout est rose », avancent Julie Potier et Pauline Ducrocq.

(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

Vient ensuite la remise en cause : le successeur commence à contester certaines façons de faire et à imposer les siennes. « Le cédant se braque. Chacun s’accroche à sa vision. Le conflit de génération émerge. Ce qui énerve et perturbe le futur retraité, et fait naître des craintes et des doutes. C’est là que ça passe ou ça casse. » « D’ailleurs, mieux vaut se rendre compte rapidement que ça ne va pas le faire », enchaînent-elles exhortant, pour ne pas en arriver là, à s’appuyer sur les valeurs communes et la communication non violente.

Si d’un côté comme de l’autre, il n’y a pas de rupture, « un lâcher prise » est possible. L’agriculteur en place donne plus d’autonomie et de responsabilités. Les différences commencent à être acceptées. Pour finir, « une confiance mutuelle et une relation gagnant-gagnant » peuvent s’établir. « Chacun sait ce que lui apporte l’autre et admet ses limites. Le repreneur peut prendre sa place et le cédant laisser la sienne pour un nouveau projet de vie. »

Mais avant cela, « il faut se mettre d’accord sur le prix de cession, le nerf de la guerre, compromis entre la valeur patrimoniale, sentimentale (du cédant), et celles de marché, de reprenabilité (plus parlante pour le successeur), de rentabilité ou rendement », alertent les deux expertes. « Or, la valeur patrimoniale, si elle reflète le temps de travail et l’énergie que vous avez mobilisés dans votre entreprise, n’a aucune valeur pour les banques et est peu palpable pour le repreneur », reprennent-elles.

Il faut également concilier les besoins du cédant et du repreneur. « Ce qu’il faut retenir globalement pour une bonne compréhension de son repreneur est la règle des 3P. Permission + Protection = Puissance, sachant que le successeur parfait n’existe pas, ni celui qui fera exactement comme vous », concluent les conseillères.

(© Chambre d'agriculture Hauts-de-France)

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement